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Le projet, selon plusieurs psychologues, est une source essentielle de la conduite humaine. Peut-on alors admettre une action désintéressée de l’individu hors de son contexte? C’est par une recherche permanente d’équilibre et en réponse à des besoins incessants que le sujet mobilise son potentiel et celui du monde pour chercher une satisfaction ou atteindre un but. Cela est suscité généralement par le biais d’images d’une réalité désirée. C’est le fonctionnement sous le mode d’anticipation. De ce point de vue, le projet permet de se prémunir des effets négatifs des facteurs environnementaux, notamment sociaux.
L’institution scolaire en tant qu’espace de socialisation visant l’intégration des individus et leur insertion sociale, gagnerait sous l’angle de pertinence, à s’inscrire dans la logique de projet que les élèves seront amenés à nourrir, entreprendre et faire aboutir. La connaissance dispensée dans nos établissements ne devrait pas être une fin en soi, mais une condition non exclusive de concevoir un avenir dans un projet. C’est dans cette vision que le sens disciplinaire se constitue pour l’élève, se justifie, et les connaissances deviennent fonctionnelles parce que considérées logiquement de portée instrumentale.
De la sorte, l’on assurera une source intarissable de motivation scolaire constante, parce que faisant partie d’une attitude mentale intégrée et logiquement fondée, et prête en définitive à être défendue. L’élève s’insuffle l’élan de continuer, avec ténacité, sa scolarité vu, qu’il est dans un projet personnel. Une telle appropriation, une fois réalisée se propose, à notre avis, un remède efficace contre le décrochage scolaire qui ronge les classes d’âge des élèves marocains. Ce qui représente une réalité-phénomène dont souffre le système éducatif marocain selon les assertions de l’autorité compétente.
Porteur d’espoir, le projet personnel de l’élève a une dimension de liberté et de responsabilité complémentaire. L’élève contraint à la complaisance de ses parents, en subissant les programmes scolaires, s’élève dans la logique du projet, au statut d’acteur négociateur des stratégies de concrétisation d’un idéal, opérateur du choix des nouveaux apprentissages, et de développeur de tout processus mental pouvant lui garantir d’avancer dans son cheminement.
Ainsi ne peut se définir en tant que projet que les perceptions objectivantes du soi en lien avec des conceptions rationalisantes du présent et de l’avenir, toutes les deux inscrites dans une démarche existentielle où le processus d’être satisfait est momentané mais jamais achevé. L’élève prend en charge une part de la construction évolutive de sa propre personne et de son devenir, ne se suffit pas de décider, de s’aventurer dans un projet ; mais s’adapte aux contraintes avec le souci d’optimiser les chances d’aboutir. Via ces considérations, l’élève s’actualise libre et autonome.
Le projet est aussi une option heureuse pour les élèves adolescents qui entretiennent, en cette délicate période de leur vie, une attitude d’insoumission tue ou manifeste à l’égard de tous les symboles d’autorité. La tradition de «subir» les apprentissages leur en paraît une. En réponse, le projet offre à l’élève le choix et l’interrogation permanente de la pertinence des stratégies entreprises. Loin d’y voir une contrainte systématique, le projet se positionne en tant que compromis institutionnel en faveur des élèves sceptique vis-à- vis de l’institution scolaire. Cela dit, la préconisation du projet personnel répond aussi à des conjonctures spécifiques, dont :
• La mutation sociale et économique que connaissent le monde et notre pays spécifiquement. Ses retombées perceptibles en variabilité remarquable des formations et des professions : émergence des nouveaux métiers et disparition d’autres dans un monde imprévisible qui prône le changement comme loi ;
• La segmentation des disciplines scolaires dans l’organigramme national à l’instar d’autres pays, allant vers un éventail de sa spécialisation et ciblant la diversification de l’offre éducative ;
• L’impertinence des réponses collectives à certaines problématiques spécifiques d’élèves auxquelles seule l’élaboration d’un projet assurera la réponse, etc.
Mais devant une telle importance que revêt le projet, et eu égard aux justifications précédentes qui relèvent du registre moral, éducatif et social, la question s’impose : le système éducatif national incorpore-t-il l’ossature d’une pédagogie ou psychopédagogie du projet personnel de l’élève?
En considérant la réalité de la pratique éducative, cette dimension prospective de la scolarité demeure timide et à ancrage limité. D’où la nécessité de permettre un prolongement du projet personnel dans son caractère scolaire, dans sa nature professionnelle ainsi que dans sa configuration de projet de vie.
Les acteurs stratégiques directs et habilités à la mission d’aide à son élaboration et du suivi du projet personnel de l’élève sont les conseillers d’orientation. Ces derniers ont bénéficié d’une formation pluridisciplinaire et à composante psychologique qui leur permet, dans un cadre institutionnel, d’assurer l’éclosion et l’accompagnement des projets qui se constituent. Mais cela exige une communication authentique et inscrite dans le temps entre le corps enseignant et le corps conseiller.
Dans une perspective préventive, ciblant le rehaussement de la qualité de la mission conseillère, et par un souci d’institutionnalisation de large envergure du projet d’élève, nous considérons que le statut du «conseiller» au Maroc devrait être interrogé et converti en «conseiller en orientation-psychologue». Cette nouvelle conception professionnalisante trouvera sa pertinence dans le nouvel organigramme de l’enseignement général et professionnel fusionné sous la même tutelle éducative. L’accompagnement des projets, dans cette conjoncture prévue, se fera dans sa dimension académique et professionnelle. Cette heureuse attente ne pourrait satisfaire les bénéficiaires des services éducatifs sans qu’ils y perçoivent le critère de proximité. N’avait-on pas prévu, en souhaits heureux dans le texte de la Charte nationale de l’éducation et de formation, un conseiller d’orientation par lycée ou collège dans le cadre de réseautage de ces institutions à celles de la formation professionnelles ?
Il s’avère que le projet personnel exige un investissement large des acteurs éducatifs, ce qui nous situe dans une conception aussi bien philosophique, organisationnelle que procédurale pouvant supporter l’échafaudage éducatif du projet de l’élève. Pour ce faire, Il est primordial, à notre sens, de faire mûrir une pédagogie si ce n’est une psychopédagogie du projet de l’élève. Et en termes de mesures d’action, nous trouvons primordial de :
• Ouvrir le centre d’orientation et de planification de l’éducation dans l’immédiat et y augmenter la proportion des admis afin de pallier une carence chronique des cadres conseillers et des inspecteurs en orientation et de planification de l’éducation ;
• Confier un établissement secondaire à un(e) conseiller(ère) pour assurer un service efficace et efficient préconisant la proximité;
• Renouveler législativement les textes de la pratique conseillère de manière à ancrer l’approche éducative de l’orientation en tant que paradigme fondateur de l’information et d’aide à l’orientation avec ce qu’il suppose comme réponses aux besoins des élèves, suivi des projets scolaires et professionnels et développent personnel ;
• Ouvrir réellement l’institution scolaire à son environnement pour que les projets en gestation s’enrichissent, mûrissent et sollicitent appui et accompagnement. Le projet invite à une alternance de l’introversion et l’extraversion selon laquelle l’élève confronte son soi aux conditions objectives à la recherche d’un développent optimal;
• Susciter une animation effervescente dans la vie scolaire en berne dans tant d’institutions : les clubs scolaires, toutes thématiques confondues, ont la vocation de révéler des projets de métiers latents confinés dans le silence et le désintérêt. Encourager les modes expressifs multiples des élèves est une reconnaissance garante de leur émancipation, affirmation et prospection;
• Enrichir les formations de base des enseignants de connaissances psychologiques nécessaires au décèlement et au soutien des projets d’élèves;
• Mettre à égalité l’importance du projet d’établissement et du projet d’élève de manière à ce que l’un serve fonctionnellement l’autre;
• Offrir les occasions où les apprentissages pourront s’affranchir de leur cloisonnement disciplinaire rigoureux pour saisir les opportunités de leur caractère transversal convergent et fédérateur. Là, l’élève apprivoise la complexité disciplinaire et se procure des socles de connaissances et d’attitudes développées pour s’approprier un projet lui étant plausible;
• Assurer la maîtrise optimale des apprentissages généraux et professionnels au profit des élèves sans laquelle il serait insensé d’entamer la thématique du projet;
• S’inspirer des expériences étrangères ayant un historique éducatif propre au projet de l’élève, etc.
D’après notre expérience, entreprendre ces mesures pour concrétiser le projet de l’élève est possible. Rappelons aussi que ce dernier s’érige en problématique majeure du domaine de l’orientation éducative qui, une fois revigorée dans le système éducatif national, aura les moyens de s’acquitter de cette mission stratégique qui s’appuie sur la centralité prioritaire de l’élève marocain.
Cette mise en relief du projet personnel de l’élève, vue sous la lumière d’un nouveau paradigme du vécu de l’élève, émane de notre souci de voir un élève qui ait de l’emprise sur son destin et qui perçoive de la cohérence dans ses efforts. Ces attitudes de contrôle et d’accomplissement s’installent via les fonctions énergisante, directive, stratégique et de persistance du projet. 

http://www.libe.ma/

Par Ismail Idabbou Inspecteur en orientation de l’éducation Délégation de Tan Tan
Lundi 19 Janvier 2015

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